Appel à participation 33e Festival Les Instants Vidéo

La 33e édition du Festival Les Instants Vidéo débutera en novembre 2020 (exposition, projections, performances…) à Marseille à la Friche la Belle de Mai et dans d’autres lieux de la ville.

Comme chaque année, le festival se déroulera aussi dans d’autres villes de France ou à l’étranger. Chaque lieu recevra une programmation spécifique. Le texte d’Appel à candidatures qui suit fait état des questions que l’équipe des Instants Vidéo se pose en ce moment. Il ne s’agit pas d’une thématique. Chaque artiste a le choix d’en tenir compte ou pas.

La beauté d’un geste éperdu 

(un appel dédié à Annie Le Brun qui nous a fait ressentir la beauté profonde du mot éperdu)

Le monde s’est enlaidi. Les guerres avec leurs cortèges de ruines et de cadavres, la misère galopante, les forêts et les océans maltraités, de ce côté là, rien de nouveau sous le soleil.

La laideur inédite résulte d’une épidémie bien plus violente que la peste : la marchandisation de la quasi-totalité du monde. Une guerre menée contre tout ce dont on ne peut extraire de la valeur, une guerre contre la passion et la vie déraisonnable. Une guerre contre le désir et les corps sans lesquels il ne peut y avoir de pensée.

Si l’art fit longtemps figure d’exception, déployant ses innombrables formes habitées par le désir indomptable, force est de constater que dans sa forme dite « contemporaine » il est de moins en moins possible de le distinguer des esthétiques de pacotille qu’imposent à notre regard et à notre ouïe l’omniprésence uniforme de la marchandise. Nos corps, nos villes et nos musées d’art contemporain, partout dans le monde exposent les mêmes objets, les mêmes images, les mêmes marques, les mêmes signes, transformant la planète en un immense parc d’attraction puérile ou en une immense zone commerciale digne d’un aéroport.

Plutôt que d’habiter poétiquement le monde, nous sommes en transit, des morts en permission, des objets consommables et jetables. Nous habitons l’empire de la positivité marchande d’où doivent être bannis objection, lutte, heurt ou conflit. Or, nous signale William Morris, la laideur n’est pas neutre ; elle agit sur l’homme et détériore sa sensibilité, au point qu’il ne ressent même pas sa dégradation, ce qui le prépare à descendre encore d’un cran.

La pensée n’est pas à l’écart de cette globalisation de la médiocrité. Elle s’est lâchement adaptée à notre époque consommatrice d’insignifiance. Les conséquences sont terrifiantes. Les corps sont les premiers à en pâtir, pétrifiés par les eaux glaciales du calcul égoïste, ils gisent mutilés, réduits à la plus simple expression de leur valeur marchande, de leur capacité à générer du profit. Ils n’ont plus qu’une seule liberté, celle d’obéir. Ils n’ont plus qu’un seul horizon, s’accoutumer à la laideur.

Dans l’œil du cyclone de l’horreur économique, qui est la pire des catastrophes climatiques, SURGISSENT là où on ne les attend pas des météorologues du désir. Ce sont les féroces poètes, les femmes et les hommes dont la mesure est à hauteur de leurs débordements, qui par un geste foudroyant nous libèrent de plusieurs siècles de domestication et de résignation folle, en tentant d’affranchir l’imagination par un long, immense, raisonné dérèglement de tous les sens comme nous y invite Rimbaud.

Ce geste lève le voile d’une beauté à réinventer. Il est le trait d’union entre la nécessité érotique de nos corps et la nécessité critique de la poésie et des images.

Ce sont ces gestes météorites que le festival souhaite saisir à leur passage.

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